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Lettre ouverte d’un politologue aux économistes du régime qui enterrent le Cameroun et dissolvent le lien social
Source, auteur, copyright
Dr Vincent-Sosthène FOUDA socio-politologue
Les rentrées universitaires sont à nos portes. Je voudrais donc m’acquitter d’un devoir intellectuel après la très longue entrevue que le Professeur Nanfosso a accordée à Cameroon Tribune et qui semble, sauf erreur de ma part servir de canal d’orientation à l’économie de notre pays et à sa gouvernance ouvrir une autre voie.
Date de publication: 04-09-2014 23:46:41
J’ouvre à mon tour cette voie pour permettre une lecture critique du Document de Stratégie Pour la Croissance et l’Emploi [DSCE] mis en place en 2010 par Louis Paul Motaze. Ce document qui sert de fil d’Ariane à la politique économique qui est appliquée dans notre pays depuis la dernière élection présidentielle. En effet, l’augmentation du prix des hydrocarbures et l’analyse qui en a été faite par les économistes du pouvoir nous a montré que ces derniers sont détenteurs d’un « savoir » ésotérique concernant la véritable nature du keynésianisme y compris de sa perversité en général et de l’économie dans notre pays en particulier.
C'est leur droit le plus élémentaire de s’adonner à des arguties théologiques à propos de la vraie signification de ce que Keynes a vraiment dit et sans doute l'exercice de ce droit rend-il justice à leurs capacités; mais il arrive que ceux qui ne sont pas victimes des révélations inédites et des illuminations dont les économistes du régimes en place dans notre pays se piquent d'être les bénéficiaires soient tenus, pour leur plus grand bien, de se faire une idée de la chose par des voies beaucoup plus sûres; bref, il arrive, que nonobstant le monopole de la corporation dont ils se sont institués les chiens de garde, le vaste mouvement de pensée et d'action que fut le keynésianisme est parfaitement accessible à ceux pour qui l'étude de la société ne doit avoir aucun respect pour les corridors étroits du savoir administré ou pour les petites jalousies académiques, encore moins pour les identités personnelles terrorisées et stérilisées à tout jamais sur leur brindille de science, ceci soit dit en passant - si le chapeau vous va, ne vous gênez pas - contrairement au « lunch » qui depuis vingt ans fait roter de nombreux « savants », c'est gratuit. Voici donc quelques exemples de textes qui ont sans doute fait l'objet d'une fuite dans le public puisque je n'ai pas eu besoin de votre permission pour en prendre connaissance : Hugh Dalton, un mauvais informateur évidemment, puisqu'il a suivi les cours de Keynes et qu'il a eu recours à ses services lorsqu'il était à l'Échiquier, dit ceci : The new approach to budgetary policy owes more to Keynes than to any other man. Thus it is just that we should speak of the "Keynesian revolution". (...) We may now free ourselves from the old and narrow conception of balancing the budget no matter over what period, and move towards the new and wider conception of balancing the whole economy.Dans un passage sur « le nouveau rôle de l'État » Buchanan, qui fait pourtant partie de votre famille immédiate, impute tous les péchés du monde au keynésianisme : The Keynesian captures of the economists, therefore, carried with it a dramatically modified role for the state in their (sic vision of the world. In this new vision, the state was obliged to take affirmative action toward ensuring that be taken with clearly defined objectives in view.Peut-être est-ce votre intérêt pour les idées pures qui vous a détourné de cette chose vulgaire et profane que fut le mouvement keynésien? As codified for the million over three decades by Samuelson's text book and its many imitators, Keynesian theory (or rather neo-Keynesian conventional wisdom) emphasized that markets could be relied upon to function much as neoclassical theory promised, as long as aggregate demand was sustained. Unemployment could be reduced to some hard core rate — say 3 percent for the United States — by injecting the economy with appropriate fiscal stimuli via Government spending.Les implications de la théorie keynésienne (telle qu'elle fut comprise objectivement, c'est-à-dire réellement, historiquement) sont donc simples : « if demand is right, supply will look after itself ». Votre malheur, apparemment, c'est de faire partie de ceux qui savent que cette interprétation était mal fondée : maintenant que la fausse interprétation appartient à l'histoire, cependant, la vraie est condamnée au délire privé. Voici un autre exemple de la fausse interprétation : Ainsi donc (selon les classiques), les investissements publics devaient être cantonnés dans certaines limites, afin que la productivité et le niveau de vie puissent être accrus en priorité. Encore une fois, cette attitude est logique, pourvu que l'on se trouve dans le cas particulier visé par les économistes classiques, c'est-à-dire dans celui où l'épargne est automatiquement investie. Mais si, en situation de plein emploi, l'épargne désirée est supérieure à l'investissement désiré, l'investissement public cesse d'être une mauvaise chose en soi; il peut au contraire devenir une bonne chose. En effet dans une telle situation, on peut tout aussi bien maintenir l'emploi en accroissant les investissements publics ou même les dépenses publiques de consommation qu'en accroissant l'investissement privé ou la consommation privée. Toutes ces belles paroles reviendront tout à l'heure dans notre « industrie » locale d'enquêtes publiques : Granted the Keynesian premises, the message translated into the language of vulgar keynesianism, was simple in the extreme. Put crudely it was that any consumption which maintained aggregate demand at a level at which resources would be fully employed was good. Keynes had dealt a death blow at the old ideas of prudence and saving; consumption was the new watchword.Keynes, nous dit aussi Barraclough, ne fut pas la seule source du keynésianisme; mais avec le « fearsome weapon of aggregate demand management », il lui a fourni sa pièce centrale. Telle est la vision qu'ont les « sociologues » du mouvement keynésien : ils se fient à ce qu'en disent Hansen, Dalton, Samuelson ou Galbraith et vous laissent tout seul avec la vérité; ils croient donc que le keynésianisme tournait autour de la responsabilité de l'État en matière de gestion économique globale, que son but était de pallier aux insuffisances de la demande et que son maître mot était la consommation. Mais voilà, je le pense et je le dis en sincérité, le Professeur Nanfosso et ses amis ne sont pas seulement la police de la vraie théorie keynésienne; Ils sont aussi des éminents représentants, à ce qu'on me dit, des sciences comptables (ou autrement administratives) dans le domaine de l'industrie, du lien social et de la fracture qui va avec, de la santé et même des industries numérique et environnementale. À propos de « l'industrie » de la santé, il faut dire en passant que la blague commence à être un peu usée et que nos économistes auraient intérêt à se pencher sur « l'économique », comme ils le nomment dans leur propre cercle, des idées neuves dans leur propre « industrie » idéologique. « Le rationnel » de ma suggestion, ici, découle de ce que ça fait cent ans que des personnes pleines d'imagination « étendent » les fameux concepts néo-classiques à toutes les branches de « l'industrie » humaine et il semble que la substance originale soit devenue très mince dans le processus de cette extension. Je ne sais pas comment se porte la productivité marginale de la théorie, mais je suis sûr que c'est seulement parce qu'elle ne coûte rien qu'elle est encore en exploitation. On l'a étendue récemment aux rapports matrimoniaux, à « l'industrie » de la fabrication des personnes et, de là, à toute « l'industrie » des rapports sociaux; j'imagine que cela fait de la concurrence pour l'industrie scolaire, pour l'industrie de la santé, pour l'industrie politique, pour l'industrie de l'homicide et pour toutes les autres PME (petites et moyennes économiques)... Plusieurs, à coup sûr se demandent où je souhaite en venir. Je ne suis pas un ingénieur de l’économie comme Babissakana mais j’ai pris l’habitude de lire sur l'économie et très souvent de la comprendre avec parfois un dictionnaire de l’économie à la main. J’ai pensé soumettre à la lecture des Camerounais la note introductive du chapitre 2 du Document de Stratégie Pour la Croissance et l’Emploi [DSCE] afin que chacun puisse juger de la pertinence des propos de nos économistes et surtout de la justesse de la santé de leurs réflexions : Les orientations stratégiques nationales s’articulent autour d’une vision à long terme dans laquelle s’inscrivent des stratégies nationales. La présente stratégie de croissance et d’emploi qui couvre la première décade de la vision se donne des objectifs en droite ligne avec les objectifs à 2035 de la vision de développement. Le présent chapitre vise à présenter les objectifs du DSCE en les articulant avec la vision. Il comprend : une vue d’ensemble de la vision, les objectifs de la vision, les objectifs du DSCE et les considérations clés pour la mise en route de stratégie. Que veulent dire ces arguties économiques pour le commun des Camerounais, sinon une tentative de distraire les esprits éveillés et d'enfermer la grande masse de notre population dans une illusion ? Nous assistons là à la naissance et à l’affirmation-consolidation d’un non-sens économique dont les conséquences à courte comme à longue échelle se font déjà sentir et surtout se vivent déjà sans espoir de réajustement dans le sens positif de ce terme. Je voudrais ici utiliser autant que possible les documents, les publications et les analyses de nos économiques et ceci en toute modestie pour fins d’illustration (cum granos salis). Pour renforcer la reprise économique amorcée depuis une décennie et l’asseoir durablement, le Cameroun se devait d’inscrire ses politiques de développement dans une perspective plus lointaine. C’est ainsi qu’est apparue la nécessité d’une Vision Prospective de nature volontariste, préalable à toute stratégie de développement. A la suite d’une démarche participative associant tous les acteurs de développement de la Nation et fondée sur les Grandes Ambitions du Chef de l’Etat, les études structurelles du système, les aspirations des populations camerounaises et les engagements internationaux souscrits par le Gouvernement, il s’est dégagé une vision partagée du Développement au Cameroun à l’horizon 2035. Elle se formule ainsi qu’il suit : « LE CAMEROUN : UN PAYS EMERGENT, DEMOCRATIQUE ET UNI DANS SA DIVERSITE ». Est-il possible de questionner un tant soit peu la notion de « reprise économique » convoquée ici ? Pour parler de reprise il est nécessaire qu’on s’entende sur le fait que le Cameroun par le passé a été un pays développé voire même industrialisé et que de façon accidentelle il ait perdu ce rang qui lui était reconnu suivant les critères reconnus par tous. Ce qui ne semble pas être le cas... Ensuite parler de renforcement de la reprise économique… afin de l’asseoir durablement aurait lui-même nécessité un préalable de nouveau absent ici. Notre pays n’a jamais été qu’un pays sous-développé et tous les efforts que nous faisons visent à le sortir du sous-développement. Ceci passe donc nécessairement par un réel investissement dans les infrastructures et par la formation et non par l’alignement de slogans et la manipulation des concepts dans lesquels nos économistes ne mettent rien sinon ce qu’ils sont les seuls à comprendre et qu’ils inoculent au peuple dans une camisole de force. Le goulot d’étranglement est là, dans un mauvais diagnostique et dans l’application du pire des traitements qui puisse exister. En économie l’on ne peut parler de projection que sur la base des investissements réels qui permettent alors de se dire sur la base de calculs compréhensibles par tous, qu’un palier et encore un autre pourra être atteint si l’on améliore tel ou tel autre secteur, si tel ou tel autre paramètre est respecté. Pour ce qui est du Cameroun aucune condition énoncée ici n’est remplie bien au contraire ! Nous sommes dans un pays où il n’existe point d’enquête gouvernementale visant à évaluer le moral des ménages. Il n’y a donc pas d'outil de légitimation scientifique de ce qui est affirmé par les économistes du pouvoir malgré toute leur bonne volonté. Dans la conduite quotidienne des affaires du pays qui nous est offerte, il y a même un refus de compréhension de l’ensemble des interventions étatiques par ceux-là mêmes qui les mettent en place, les pensent parce que l’application ne les concerne pas. Notre pays ne connaît pas la notion de new economic. Puisque le Professeur Roger Tsafack Nanfosso a jugé bon, dans son entretien du 20 juillet 2012, de nous montrer comment la revalorisation des prix des hydrocarbures à la pompe pouvait être utile aux petits ménages. Je vais ici essayer de montrer une petite partie des failles de son analyse. « 74% des subventions au super sont captées par les riches. » Cette affirmation surprenante de notre agrégé en économie ne nous montre point comment il arrive à ce pourcentage. Pire encore les chiffres qu’il avance ne s’appuient sur aucune étude menée ni connue, ainsi 13% seulement des pauvres bénéficieraient des subventions sur le pétrole lampant qui est subventionné à 100% ! Nous aurions accordé du crédit à la première affirmation du Professeur Roger Tsafack Nanfosso s’il avait avoué s’appuyer sur une étude de la Banque Mondiale rendue publique le 18 avril 2012 à Washington, intitulée « les subventions aux prix des carburants en Afrique. Nous pouvons lire ceci dans « Africa’s Pulse » qui est une analyse semestrielle des enjeux influençant les perspectives économiques du continent noir. Modestement nous avons pris la peine de lire attentivement ce document. À en croire les résultats de cette étude, « ces subventions sont trop élevées et représentent une perte moyenne de 1,4% du produit intérieur brut (PIB) pour chaque pays. » Par un montage dont il est seul expert, le professeur Roger Tsafack Nanfosso a su partir d’une étude générale du continent noir pour une application particulière au Cameroun par induction. Le rapport dont il est fait allusion ici n’a jamais traité du cas spécifique du Cameroun, sur 25 pays étudiés sur le continent, (sans le Cameroun), six, principalement des exportateurs de pétrole, ont dépensé, en 2011, 2% ou plus de leur PIB pour les subventions du carburant. Si nous partons des chiffres officiels avancés par les pouvoirs publics, 1.089 milliards alloués aux subventions des carburants soit la répartition de 143 milliards en 2010, 323 milliards en 2011 et 400 milliards prévus en 2012. Quel est le PIB du Cameroun dans les années concernées ici soit 2010, 2011 et 2012 ? Ces chiffres équivalent-ils à 2% de notre PIB ? La réponse est évidente non ! Maintenant l’enquête menée par la Banque Mondiale et qui est visiblement exploitée par le professeur Roger Tsafack Nanfosso à l’insu de son plein gré dit ceci : « Les résultats d’enquêtes menées dans 12 pays à travers le monde (exceptée au Cameroun – c’est nous qui nous le soulignons) montrent que ces subventions « bénéficient en grande majorité aux familles aisées. » Les familles aisées dans les pays riches pour le professeur Roger Tsafack Nanfosso deviennent, dans son entretien, « 74% des subventions au super sont captées par les riches. » Ce qui est un non-sens scientifique ! Nous devons cependant reconnaître que le prix du pétrole (des carburants) demeure élevé dans tous les pays du monde excepté dans certains pays du Golfe, certains pays de notre continent ayant augmenté les prix du carburant à la pompe et sur leur marché interne. C’est le cas du Ghana qui a augmenté de 30% les prix du carburant en janvier 2011. Dans le même sens, nous pouvons citer le Mozambique qui a augmenté le prix du carburant en 2011 de 10% en avril et de 8% en juillet et la Guinée Équatoriale qui a adopté des mesures pour réduire sa subvention du carburant. Sur ces quelques exemples, peut-il nous être accordé une interrogation simple ? Quel est le salaire moyen dans ces pays ? Ce que l’on appelle communément le SMIC (Salaire Minimum Interprofessionnel de Croissance) ? Au Ghana il est de 75,30 euros soit en Cfa 46.000 environ, le SMIC au Cameroun est de 28.000 CFA environ ! Au Mozambique on ne parle pas de SMIC, le salaire devant être convenu directement entre l’employeur et l’employé. En Guinée Équatoriale, le SMIC est de 915,70 euros soit 599,325 Cfa – ce sont les chiffres que communique la Banque Mondiale.
10 Jean Tabi Manga, conférence prononcé le 20 juillet 2011 à l’Institut des Relations Internationales du Cameroun et intitulée, Le temps de l’Afrique, le temps du monde : ou propos sur l’Emergence de l’Afrique.
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Dr Vincent-Sosthène FOUDA socio-politologue
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