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Le cercle vicieux des enfants disparus de décembre à février au Cameroun : entre pratiques ancestrales et désir d’argent – le silence complice et coupable du pouvoir de Yaoundé et des populations
Source, auteur, copyright
Vincent-Sosthène FOUDA socio-politologue
Du 2 décembre 2015 au jour fatidique du 4 février 2016 qui a vu la découverte macabre du corps sans tête de Kamgan Eva âgée de 2 ans et deux mois, 63 enfants ont disparu au Cameroun. Ce chiffre est celui enregistré dans les postes de police et gendarmerie. 13 corps ont été retrouvés dépouillés de plusieurs organes, langues, parties génitales, cerveau, yeux, cou et tête. 9 des 13 corps sont de sexe féminin. Ces enfants sont âgés de 3 à 9 ans.
Date de publication: 08-02-2016 11:21:01
A ce phénomène il faut ajouter les assassinats de jeunes femmes de 17 à 23 ans notamment dans la ville de Douala et de Dschang soit un total de 34 dont 20 dans le chef-lieu de la Menoua. Les corps découverts sont toujours en état de décomposition avancée et il est difficile de les identifier.
Pour la petite Eva, au moment de sa disparition, elle portait un collant (leggins) blanc, un kaba ngondo en tissu du 8 mars, et des chaussures tennis. Au moment de découverte du corps par un jeune élève de la classe de seconde voulant se soulager dans la broussaille à quelque 325 m du domicile de la tante de la disparue, le corps sans tête, porte les mêmes vêtements, un pied de tennis. La famille, faute d’expertise plus fiable notamment un test ADN a conclu qu’il s’agit du corps sans vie de EVA. Le corps a été retiré des eaux usées de ce canal par les sapeurs-pompiers à l’aide d’une fourche. Le lieu de la découverte du corps a été contaminé par les nombreuses populations accourues sur les lieux avant, pendant et après l’intervention des pompiers. Il est aussi à noter l’absence de médecin légiste au moment de l’enlèvement du corps. Sur les 63 enfants portés disparus entre le 2 décembre 2015 et le 4 février 2014, 2 appartiennent à la même fratrie, un enfant a disparu alors qu’il était avec une personne autre que son père et/ou sa mère. 3 enfants vivaient dans une famille monoparentale (avec la maman uniquement). 7 enfants ont la mention PND sur leur acte de naissance c’est-à-dire Père non déclaré. 3 enfants ont été enlevés pendant la fin de semaine. 45 sur le chemin de l’école entre la maison et l’établissement scolaire. 17 cas, sont indéterminés, car l’instituteur n’ayant pas fait d’appel, il est difficile de dire si l’enfant a disparu à l’école, au retour de l’école après avoir assisté au cours toute la journée. 50 enfants n’ont donc pas fait signe de vie depuis le 2 décembre 2015. 78 % de parents interrogés plus de 72 h après la disparition de leur enfant pensent qu’il est mort. 15 % déclarent attendre le retour de leur enfant. 58 % de parents n’arrivent pas à décrire comment l’enfant était habillé au moment de sa disparition et ce pourcentage augmente quand on interroge les hommes qui se retournent toujours vers la mère et posent la question : « comment tu l’as habillé le jour de la disparition. » 73 % de familles n’ont pas une photo de l’enfant disparu qui date de moins de 7 jours. 5 familles n’ont tout simplement pas de photo de leur enfant. Tous les parents interrogés déclarent qu’il y a dans leur vie désormais un avant et un après cet événement. 20 mamans déclarent : « j’ai l’intuition que mon enfant est en vie, s’il était mort je le sentirais dans mon cœur. », 80 % de parents déclarent que les enfants sont enlevés par ceux qui veulent être riches, qui appartiennent à des loges et des sociétés secrètes. 15 % de parents lient la disparition de leur enfant à la « haine du village » qui les poursuit jusqu’en ville. Mode de recherche après la disparition de l’enfant… Les disparitions des enfants sont constatées dans un intervalle de 15 minutes à 12 h de temps. Quand l’enfant disparaît au domicile familial, la disparition est rapidement constatée par la mère ou par un membre de la fratrie. « Je voulais la commissionner, mais elle ne répondait pas, je suis allée voir elle n’était plus là » déclare une maman. « Je suis allée chercher quelque chose à manger pour elle, et après plus rien ». De nombreuses mamans vont souvent faire une course qui dure entre 7 minutes et une heure de temps soit dans la « boutique » en face de leur domicile soit plus loin au marché. C’est à leur retour qu’elles constatent la disparition de l’enfant. 58 % de femmes déclarent appeler en premier le mari après avoir constaté l’absence de l’enfant. Seuls 15 % de parents disent appeler immédiatement le 117 après avoir constaté la disparition de leur enfant. Pour les disparitions constatées au retour des classes, les parents à la maison refont à 85 % le trajet inverse, vont à l’école dans l’espoir de croiser leur enfant sur le chemin, et quand bien même l’école est fermée, ils espèrent toujours rencontrer un responsable. « Nous sommes restés devant le portail fermé de l’école, on tournait on espérait, je ne sais plus quoi » déclare une maman à Douala. Il n’y a pas une banque de données génétiques au Cameroun, pas d’empreinte pour les enfants, les archives ne remontent pas à plus de trois mois même dans les commissariats et les hôpitaux. Difficile donc de compter sur ces structures pour une recherche à longue durée. Beaucoup de parents se tournent vers les guérisseurs et autres voyants, qui promettent d’entrer en contact avec le monde astral pour interroger les morts et possiblement l’esprit de l’enfant disparu. Beaucoup de parents qui ont perdu un enfant retournent justement au village pour des rites de purification des lavements. On scrute le temps, on évalue les jours précédents la disparition mais on s’efforce de rapidement oublier le jour de la disparation; on parle de l’avant et de l’après mais pas du pendant.(à suivre)
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Vincent-Sosthène FOUDA socio-politologue
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