Mr. Fabien Didier Yene bienvenu sur notre tribune libre d’expression. Ayant pris relativement connaissance de vos activités, c’est réconfortant de voir que des jeunes ekang prennent des engagements humanitaires. Dans tous mes entretiens, les invités reçoivent l’occasion de se présenter d’abord. Alors qui est Fabien Didier Yene ? Que devons nous retenir sur votre famille et vos origines ?
vous comprenez que je suis enfant cotisé de deux ethnies
A 31 ans, vous êtes déjà auteur d’un livre « Migrant au pied du mur ». Votre engagement social, voire même politique tourne autour de la défense des droits de l’homme et des migrants. Et si j’ai bien compris, vos activités s’étendent sur le territoire maghrébin et en particulier au Maroc. La question qui me revient régulièrement en tête est celle savoir les circonstances qui vous amènent à votre âge de mener une lutte aussi dangereuse que celle de la défense des droits de l’homme dans un pays arabe ?
Ce sont ces pays que l’Europe contraint de jouer le sale boulot de gendarme qu’en faite, lui-même devrait jouer en l’exemple de ces expulsions déshumanisantes, chosifiées des subsahariens en Europe
Dans votre livre, « l’histoire commence au Cameroun où deux personnes issues de différentes ethnies qui ont du mal à se faire accepter par leur groupe, décident malgré l’opposition de leur clan de se marier. Leur décision d’aller contre la volonté des deux ethnies n'arrangera rien. Leurs enfants seront refusés par les deux ethnies et finissent par être des immigrés dans leur propre pays ». Une histoire effectivement triste qui me pousse plus à la curiosité. Racontez-vous votre propre histoire ? Et si oui, comment avez-vous vécu ce problème culturel et de tradition ?
certaines ethnies restent engluées dans des traditions qui sont contre l’ouverture à l’autre. Nous avons beaucoup de murs sociaux.
Etant moi-même un fervent croyant de la modernisation et de l’évolution des traditions africaines, croyez-vous que les problèmes provoqués par le brassage des cultures nous empêchent au développement ? Malgré mon approche éloignée d’une tradition conservatrice, ne serait-il pas approprié de contrôler l’évolution des traditions afin d’éviter de se retrouver un jour sans fondement culturel et social ?
C’est même le brassage des cultures et traditions qui est le socle du développement humain et puis s’ensuivent d’autres.
A quel âge avez-vous décidé de partir du Cameroun ? Et comment décrivez-vous ce moment pendant lequel vous avez pris votre résolution ?
Je me suis investi dans la conduite des gros porteurs où les apprentis chauffeurs subissent la vraie exploitation au profit des chauffeurs et patrons, mais personne ne peut parler ou revendiquer les droits de ces pauvres exploités
Mr Yene, en quittant votre pays pour faire route vers l’inconnu, vous avez vécu une « seconde histoire triste » avant votre arrivée au Maroc, celle d’un voyage plein d’humiliations et d’escroqueries envers tous ceux qui avaient un statut comme le vôtre. Pouvez-vous une fois de plus faire un témoignage à propos ?
Les « passeurs » je pense qu’ils existent dans tous les pays qui sont sur la route vers le Maghreb, ils vous arnaquent, vous abandonnent au désert et des fois tuent ceux qui essayent de se rebeller
Combien de temps avait duré votre voyage vers l’inconnu ? Tout juste après votre arrivée au pays d’accueil le Maroc, aviez-vous encore cru un seul instant au « paradis » ? Ou alors ce fut une grande déception et un regret total d’avoir quitté votre pays le Cameroun, si on tient effectivement compte des réalités affreuses vécues ?
Et à vous entendre parler de « paradis », vous me donnez l’impression d’avoir affaire à un européen qui ne connaît pas les réalités du Cameroun, mais que l’UE verse un gros salaire avec des fonds énormes pour créer des ONG et faire de la dissuasion des subsahariens vers l’Europe.
« Migrant au pied du mur », un livre qui ne raconte pas seulement les difficultés d’un voyage vers « la terre promise », mais aussi la vie incertaine des étrangers au Maroc, voire même au Maghreb. Quels sont les conseils que nous autres (les non impliqués) devrions retenir sur l’immigration au Maghreb ?
Peut être je me trompe, je cherche depuis cinq ans à rencontrer les camerounais qui travaillent au Maroc, où qui sont implantés ici avec des sociétés, je ne vois personne, mais ils doivent exister quelque part dans les dossiers, chez certains de nos dirigeants.
Selon moi, une mission naît des faits et des expériences vécues. Comment décrivez-vous en gros votre mission ?
Beaucoup de subsahariens sont en Europe aujourd’hui, et se comportent plus que des Européens en terme défendre certaines valeurs pourtant étaient passés par ici et avaient été victimes de ces discriminations et ne veulent plus en parler.
Du point de vue organisationnel, quelles sont les démarches que vous entreprenez pour arriver à obtenir des résultats sur le terrain ? Que devons-nous retenir sur les objectifs de l’association ADESCAM que vous avez fondée ?
On cherche à créer un espace de dialogue entre diplomates accrédités, ressortissants camerounais, étudiants ou chercheurs camerounais et nous
Dans une lettre adressée au Premier Ministre Camerounais en Avril 2010, qui sera d’ailleurs publiée dans son intégralité avec cette interview, vous attirez l’attention sur la situation des migrants camerounais au Maroc. Vous écrivez « Pour avoir rêvé d’un lendemain meilleur, ces enfants du Cameroun, à l’inverse des Européens partis vers d’autres horizons pour chercher de meilleures conditions de vie, se sont vus aux frontières pourchassés, emprisonnés, déshumanisés, assassinés. Ici, au Maroc, où ils ont pu trouver quelque répit, de nombreux problèmes, voire des cas désespérés, surgissent au sein de la communauté, tels que décès, naissances, scolarisation, subsistance, accès aux soins. Il se peut que cela n’apparaisse pas toujours dans les notes protocolaires adressées en haut-lieu. Il serait souhaitable que lors des visites privées ou officielles, une approche concrète soit établie pour une information réelle, loin de toute image stéréotypée ou intention lénifiante. »
Vous proposez « la création d’une cellule de réflexion sur cette nouvelle mutation de la société humaine et pour l’insertion des ressortissants camerounais au Maroc. » Avez-vous reçu une réponse du premier Ministre ? A quel niveau se trouvent vos démarches avec le gouvernement Camerounais pour trouver une solution aux « désespérés » camerounais du Maroc ?
Notre ennemi se trouve dans notre chaussure raison de plus nous ne pouvons pas marcher ou bien marcher.
D’une manière générale, quelles propositions faites-vous à l’état Camerounais, voire au Maroc pour réduire la gravité de la situation des Camerounais et quels types d’aides attendez-vous ?
On ne doit pas se limiter aujourd’hui seulement à des rapports que les ambassades envoient au ministère. Je pense qu’il faudrait élargir le champ de débat des camerounais de l’extérieur. Développer les stratégies de travaux en commun.
Quel soutien international avez-vous à votre disposition ?
Qu’est-ce que l’international va faire si on’ a pas d’abord le soutien formel ou informel des nôtres
Et le bilan personnel de vos activités ? Pensez-vous retourner dans votre pays pour y vivre définitivement ?
C’est chez moi que je dois avec l’aide de l’Etat apporter tous ce que j’ai appris à l’étranger
Avant de clore cette première partie de l’interview, revenons sur la production de votre livre « Migrant au pied du mur ».
Nous connaissons maintenant les motivations d’écrire un livre comme celui-là, mais entre « avoir la motivation » et « la pratique » se trouve un monde qui nous empêche de lier les deux. A quel niveau avez-vous eu des difficultés lors de la production du livre ? Comment réagissent les medias marocains à propos des thèses avancées dans ce livre ?
Mais nous avons aussi des Médias qui nous stigmatisent, ils nous présentent ici comme des porteurs de sida, des maladies, des profiteurs, juste ils véhiculent un message xénophobe
Mr. Yene, nous abordons maintenant les thèmes proprement ekang…
Pourquoi les beti du Maroc se sont associés au Mouvement Nkul Beti ? Quelles sont vos attentes envers ce mouvement ?
Pour moi en mettant sur pied Nkul Beti du Maroc c’était revaloriser ces valeurs vitales
La bataille que vous menez aujourd’hui est entre autres le fruit des échecs du peuple ekang. Que diriez-vous, si je dis : nous sommes ce que nous sommes aujourd’hui parce que les intellectuels beti ont longtemps ignorés leur devoir. Je vais même aller plus loin en disant que les beti vivant au Maroc se retrouvent au pied du mur (comme votre le livre le souligne) à cause de l’égoïsme de nos intellectuels, qui ne se sont pas occupés réellement de nos problèmes locaux - aucune orientation économique, aucune orientation de développement social, aucune vision d’une assistance réelle à la jeunesse, aucune vision d’un dynamisme communautaire…?
il y a beaucoup d’intellectuels qui ne sont pas sage
Vous avez appris à vous battre parce que effectivement vous vous êtes retrouvé au pied du mur. Même déjà dans votre pays, les perspectives n’étaient pas prometteuses. Le positif de votre parcours est l’audace que vous avez développé en vous pour lutter contre une situation non favorable à votre existence et à celle d’un groupe totalement démuni.
Comment pouvez-vous mettre cette détermination d’agir de votre part au service des ekang, qui sont pour le moment à la recherche des leaders ou des gens capables de s’organiser socialement ?
Une fois que j’ai appris qu’il y avait un mouvement Beti en Allemagne j’ai répondu à votre appel (Nkul) et maintenant nous discutons et après la discussion vous et nous autres trouverons une solution commune
Je parlais de leaders tout à, comment définissez-vous le leadership ? Que devons nous faire afin que nous puissions parler dans un avenir proche d’un leadership beti ?
regardez comment autant de ministres et directeurs Beti que le chef de l’Etat a fait confiance en 28 ans et n’ont rien concrétisé ou cherchent aujourd’hui le fauteuil du président et c’est là qu’ils nous promettent ciel et terre
Toujours concernant le peuple ekang, que dites-vous respectivement sur la solidarité, l’engagement, le rassemblement, l’égoïsme, la domination, la nonchalance et la fainéantise ?
heureusement un mouvement comme celui-ci nouvellement crée par la nouvelle génération et qui reconnaît ces freins
Où passerait d’après vous le chemin du développement social chez les ekang du Cameroun ?
« Retour aux sources des ekang ».
Dans un de mes articles, je note que le pouvoir social conditionne le pouvoir politique. J’excite les gens à organiser efficacement le pourvoir social afin de rétablir l’équilibre entre le social et la politique. Vos activités au Maroc peuvent se résumer en gros par l’organisation du pouvoir social pour faire face à la négligence politique. En faisant un rapprochement avec tout ce que vous avez vécu et entrepris, quels sont les aspects élémentaires qui peuvent caractériser le pouvoir social ?
QUI EST POUR NOUS, SANS NOUS EST CONTRE NOUS
Un mot sur les droits de l’homme par rapport au Mouvement Nkul Beti…
Le Beti achète les problèmes comme on dit dans notre jargon, ça prouve que le Beti est le premier défenseur des droits de l’homme
Qu’est-ce qu’on devrait encore retenir sur vous et sur vos activités ?
Mr. Yene, c’est la fin de cet entretien. Au nom du Mouvement Nkul Beti, je vous remercie. Votre dernier mot et surtout le message final que vous adressez à la communauté ekang…
J’aime une phrase de Mère Theresa de Calcutta qui a passé sa vie à travailler dans le social. Elle dit, « Chacun a toujours quelque chose à donner malgré sa situation »
Fabien Didier Yene est né le 26 mars 1979 à Omvan, département de la Mefou-Afamba, Région du centre Cameroun ; Après ses études primaires à l’école publique d’Endoum, il est entré en classe de sixième au collège de la Mefou à yaoundé, puis deux ans par après, le CES de Nlong où malheureusement il échoue au brevet d’étude du second cycle, alors qu’il fut de la première promotion des candidats de cet établissement. Il est ensuite allé au lycée de Mfou pour obtenir son brevet. Deux années après, il se retrouve en classe de première. Mais faute de moyens pécuniaires, ses études se sont vues arrêtées et c’était une nouvelle vie devant lui !
« Je ne saurais vraiment quoi dire pour ma présentation libre, mais je préfère que les chercheurs, les professeurs, les intellectuels, voir les universitaires tirent chacun la couverture de son côté et exploite ma réflexion chacun par rapport à son domaine précis. Mais je préfère parler de scientifique social. Je voudrais faire un point dessus. » Fabien Didier Yene est parti du Cameroun à l’âge de 24 ans pour se diriger vers l’inconnu en espérant obtenir une vie meilleure ailleurs. Fabien Didier Yene vit actuellement au Maroc où il s’est engagé dans la défense des droits des personnes qui, pour diverses raisons, ont dû choisir l’émigration. Il a fondé l’ADESCAM, Association de sensibilisation et de développement des Camerounais migrant au Maghreb (Maroc), et il est également représentant de la communauté camerounaise des migrants au Maroc. Il milite avec l’Association marocaine des droits humains, Attac Maroc (groupement des altermondialistes), coopère à l’action humanitaire de Caritas-Maroc, et œuvre dans le réseau Manifeste euro-africain créé au Maroc en 2006, lors de la conférence non gouvernementale, pour défendre les droits fondamentaux et la liberté de circulation des personnes. S’inspirant de ses expériences personnelles et de celles d’autres migrants africains, il a écrit un livre « Migrants au pied du Mur ». Il raconte dans ce récit deux itinéraires différents à travers les pays de migration et nous renseigne sur les épreuves subies par ces groupes de personnes désespérées. Dans une lettre adressée au Premier Ministre Camerounais en Avril 2010, Fabien Didier Yene attire l’attention sur la situation des migrants camerounais au Maroc : Monsieur le Premier ministre de la République du Cameroun Monsieur le Premier ministre, Elu Président de la Communauté camerounaise du Maroc, j’ai l’honneur d’attirer respectueusement votre attention sur la situation des migrants camerounais dans le pays devenu hôte du Maroc. Nous formons une communauté d’environ quatre cents migrants vivant dans des conditions des plus précaires, et nous pensons être totalement occultés lors des accords successifs de coopération solidaire entre le Cameroun et le Maroc. Cette communauté camerounaise a vu le jour un an après les tragiques évènements de Ceuta et Melilla d’Octobre 2005 qui ont causé la mort de quinze Subsahariens, dont deux Camerounais, tués par balles par les gardes-frontières maroco-espagnols. Jusqu’aujourd’hui, aucune enquête n’a eu lieu pour déterminer les coupables de ces meurtres. Peu de temps après, trois autres compatriotes ont laissé leur vie, à ces mêmes grillages, ainsi que, le 1er Janvier 2009, un jeune Camerounais de vingt-et-un ans, atteint d’une balle, mort à quelques mètres du grillage du côté marocain, et abandonné par les gardes-frontières, après avoir été roué de coups. Devant l’ampleur du phénomène migratoire, ce ‘’grand défi de notre temps’’, il apparaît opportun de porter une attention particulière à ces jeunes laissés-pour-compte qui ont eu la pensée, aujourd’hui encore utopique, que la liberté de circulation des richesses africaines, objet de nombreux enjeux économiques, capitalistes ou politiques, pouvait avoir comme corollaire la libre circulation des personnes et, à écouter de nombreux discours souvent embarrassés et en mal de cohérence de politiciens européens, être une chance offerte aux pays du tiers monde pour leur développement. Pour avoir rêvé d’un lendemain meilleur, ces enfants du Cameroun, à l’inverse des Européens partis vers d’autres horizons pour chercher de meilleures conditions de vie, se sont vus aux frontières pourchassés, emprisonnés, déshumanisés, assassinés. Ici, au Maroc, où ils ont pu trouver quelque répit, de nombreux problèmes, voire des cas désespérés, surgissent au sein de la communauté, tels que décès, naissances, scolarisation, subsistance, accès aux soins. Il se peut que cela n’apparaisse pas toujours dans les notes protocolaires adressées en haut-lieu. Il serait souhaitable que lors des visites privées ou officielles, une approche concrète soit établie pour une information réelle, loin de toute image stéréotypée ou intention lénifiante. Si, le 20 Mai dernier, Monsieur le Premier ministre français, à sa venue au Cameroun, a obtenu de notre pays la signature de l’accord de réadmission proposé par la France aux petits Etats africains, nous voudrions cependant, à l’instar des Marocains résidant à l’étranger et soutenus par les plus hautes instances de leur pays, œuvrer pour le nôtre dans le cadre d’une politique de coopération où notre dignité et nos droits ne seraient plus bafoués, et où notre engagement servira à un développement réciproque. Nous croyons en effet à l’apport positif de nos bonnes volontés pour hisser le Cameroun - comme lors de notre qualification à la coupe du monde en Afrique et le match mémorable de notre équipe nationale à Fès supportée par des sans-papiers - sur le podium des pays en voie de développement, dans le cadre d’une politique basée sur de grandes ambitions. Ce but à atteindre pourrait être favorisé par la création d’une cellule de réflexion sur cette nouvelle mutation de la société humaine et pour l’insertion des ressortissants camerounais au Maroc. Nous sommes prêts à répondre à une invitation à organiser une rencontre de travail entre vos services et la Communauté des migrants camerounais au Maroc. Je vous prie de bien vouloir agréer, Monsieur le Premier ministre, l’expression de ma très haute considération. Rabat, le 20 Avril 2010 Fabien Didier YENE, Président de la Communauté des migrants camerounais du Maroc.
Informations supplémentaires, contacts, liens, auteurs et copyrights
Fabien Didier Yene
Agent humanitaire, Président ADESCAM (Association de Développement et de sensibilisation des Camerounais du Maghreb (Maroc)) ; CCAM (Communauté des Camerounais du Maroc), Auteur du livre « Migrant au pied du Mur » ; Intervenant dans trois Films documentaires ayant lien avec la Migration subsaharienne au Maroc Contacts : yenefabien@yahoo.fr Tel 00212 610275676 ou 00212 533711706 LIENS INTERNET
Les questions de cette interview ont été rédigées par Maurice Ze.
Nous remercions Mr. Fabien Didier Yene d’avoir accepté cet entretien. Les textes de cette interview doivent seulement être utilisés dans le cadre du mouvement Nkul Beti ou de la promotion de Mr. Fabien Didier Yene Tous Droits Réservés © Copyright 2010 Zemprosys Group Interview avec Fabien Didier Yene, Agent humanitaire et Auteur du livre « Migrant au pied du Mur »
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