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Spirituelle Queen Etémé
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Source: quotidienlejour.com - Jacques Bessala Manga
La chanteuse camerounaise sera face au public camerounais lors de deux concerts programmés cette semaine à Yaoundé.
     Date de publication: 02-02-2011   10:22:11
Le regard pétillant de Queen Etémé se brume tandis que sa voix se brouille. L’émotion de cette conférence de presse organisée au Centre culturel français le 25 janvier dernier a été au rendez-vous de ce qui ressemblait fort à un retour au bercail de l’enfant prodige.

20 ans après, Queen Etémé, la chanteuse de gospel, adulée de par le monde, va enfin chanter devant ce public qui lui manque tant. Après avoir parcouru les scènes du monde entier, la grande dame de la chanson, la « contralto d’ébène », remarquée par des musiciens aussi prestigieux que notoires, se produira à Yaoundé à l’occasion de deux concerts, qui ressemblent à un tournant décisif dans la désormais longue carrière de 20 ans déjà, dont 9 en solo. Ce sera le 03 février au Centre culturel français, et le 04 février au Petit tamtam.
1. Conte de fées
 
La carrière de celle que le public connaît désormais sous le nom d’artiste de Queen Etémé est comme tous les contes de fées : beau, imprévisible, enchanteur et résolument optimiste. Et pourtant, tout ne semblait pas se présenter sous les meilleurs auspices. Delphine Etémé, la première d’une famille de six enfants, l’espoir de ses parents, est envoyée en France en 1995, pour servir d’estafette à la nombreuse fratrie restée au bercail. « Mes parents me prédestinait à la médecine », se souvient la diva de la chanson. Delphine se détournera de la voie tracée par ses parents. Pour rejoindre un groupe de gospel, auquel elle consacrera plus son temps qu’à ses études. Elle s’aliènera par le fait même une partie de sa famille. Et pourtant, impassible, convaincue de son art, Delphine sera très vite remarquée par le maître de chœur. Avec la fulgurance des génies, elle sera promue soliste au sein d’un groupe qui comptait 300 chanteurs. Quand même ! La voix exceptionnelle de Delphine, patiemment affinée à la faveur d’un travail assidu, sera bientôt sollicitée pour la musique populaire. Elle s’aventure à quelques prestations avec des musiciens connus, pour des chœurs en studio, mais aussi pour des concerts. Aucun style musical ne lui est étrange. Elle enregistrera de la rumba avec Papa Wemba, du mbalax avec Ismaël Lo, du reggae avec Alpha Blondy, du jazz avec Gino Sitson ou de la variété avec Arielle Dombasle.

La carrière de Delphine Etémé va s’emballer en 1998. La spiritualité dont la choriste soliste était déjà abondamment imprégnée, et qui ne la quitte plus, va se transformer en providence. Carole Frederiks, la chanteuse américaine installée à Paris, morte en 2001 à Dakar, encourage Delphine à tenter une carrière solo. « Elle estimait que je méritais mieux que de la figuration auprès de tous les grands noms que j’accompagnais aux chœurs », raconte Queen Etémé. Manu Dibango tombera en pamoison devant la pureté de la voix de celle qui n’est encore qu’une choriste talentueuse lors d’un concert au New Morning à Paris. L’interprétation particulièrement originale du célèbre Malaïka de Miriam Makeba donnera des frisoons au père du soul makossa venu l’accompagner au saxophone. Il lui demandera d’intégrer son orchestre pour une tournée internationale, sans façons. C’était inespéré. Queen Etémé ne résistera pas à la tentation. Elle affrontera les scènes les plus prestigieuses du monde entier. Elle éblouira de sa voix les puristes du chant. Elle sera désormais sollicitée par d’autres, notamment Richard Bona, qui l’engagera résolument à embrasser une carrière solo. Queen Etémé, qui a pris conscience de son talent entre-temps, s’attachera néanmoins les services d’Eric Tavelli, un coach de vocalise qui avait tenu Zazie, Laam, Nene Cherry.
2. Trois albums solo
 
Lorsqu’elle se sent prête, celle qui a définitivement adopté le nom d’artiste de Queen Etémé, prend son envol. Elle s’entoure de Guillaume Dovi pour la composition, d’Obam Obianga et de Frédéric Sans pour les arrangements. Son look est affiné. Foulard attaché comme un turban de nabab, colliers de reines Xhosa, pendentifs de princesses du Dahomey. Queen Etémé est une reine de la chanson. Mais aussi de la mode. L’art du spectacle éprouvé par d’interminables tournées internationales, à la suite des aînés En 2003, « Soki » sort des bacs. Cette spiritualité qui l’habite désormais se transforme en humanisme agissant. L’album est le concentré de la nouvelle personnalité de Queen Etémé. Riche en couleurs, patchwork d’influences disparates, Soki est message d’espoir. L’espoir que la paix pourrait s’établir définitivement en Afrique. Pour mieux porter son message, Queen Etémé chante en français, en anglais, en lingala, en éton, en bassa, en swahili. La chanteuse se revendique panafricaniste. Et elle l’exprime. L’album révélera une identité vocale unique. Une marque de fabrique est née. François Bingono Bingono, musicologue, journaliste à la Crtv, ne tarira pas de qualificatifs pour la chanteuse. Il découvrira l’art de la syncope chez Queen Etémé. Il clamera sa maîtrise de l’appogiature. Il s’extasiera de sa technique du rejet. « Elle est passée du chant primitif, pour atteindre la formule la plus achevée », déclare-t-il. En réalité, Queen Etémé s’aliène les classiques, pour mieux les fédérer. Pour le musicologue, « elle sait restituer le fait que le chant est une dissertation mélodique, faite d’une intro, d’un corps et d’une conclusion ». Pas mieux. L’album sera présenté à un public chauffé à blanc à travers le monde. Une carrière était née. Six ans plus tard, le temps de préparer un nouveau projet, un nouvel album sortira. Lafi est une mixture de musiques du monde : bikutsi du Cameroun, kwaito d’Afrique du sud, des balades, etc. Plusieurs noms collaboreront à l’opus : Krotal le rappeur, Jacques Greg Belobo le baryton, Justin Bowen le pianiste. Un récital. Deux ans plus tard, Queen Etémé récidive, pour un troisième album solo. Amazing encounter, anglicisme de rencontre troublante, est un retour à ses premières amours. Queen Etémé célèbre le gospel. Le chant choral a été le laboratoire dans lequel la désormais célèbre chanteuse a longtemps maturé, avant de devenir le bon cru que tout le monde veut déguster aujourd’hui. C’est le répertoire de ces trois albums que Queen Etémé présentera au public cette semaine. Une réconciliation avec son public, qui souffre pourtant de l’exil de sa cantatrice.
3. Exil
 
Queen Etémé, qui s’est installée au Benin, n’a pas pour autant son pays natal pour lequel elle nourrit des projets généreux. Lorsqu’elle décide de se poser en 2002, c’est Cotonou qui rassemble ses faveurs. Touka Goma, un producteur d’une célèbre émission de téléréalité au Benin l’approche pour des ateliers de chant en faveur de ses acteurs. Le challenge est tentant. Les conditions de travail sont acceptables. C’est ainsi que cette terre deviendra une terre d’exil, malgré la volonté de la chanteuse. Elle continuera cependant de composer, mais aussi d’interpréter de sa voix improbable les compositions des autres. « Le Benin n’est qu’une destination, je n’ai pas renoncé à m’installer au Cameroun, pourvu que les conditions de travail me le permettent », confie Queen Etemé. Elle dirige un festival culturel très prestigieux. Balafon dont la première édition a eu lieu l’année dernière, était une fête avant le cinquantenaire de l’indépendance du Benin. Un succès qui a dévoilé les qualités de manager de cette reine camerounaise en exil volontaire au royaume du Dahomey. Cette première rencontre avec le public de Yaoundé préfigure-t-elle ce retour annoncé ? Ça y ressemble fort. Queen Etémé a déjà pris sous son aile de jeunes compatriotes. Sanzy Vianny et Eben feront la première partie de ce qui sera un spectacle de grand cru.
4. Mon engagement social
 
Acquis. Queen Etémé est aussi une reine au grand cœur.

Je ne suis pas religieuse ». Queen Etémé affiche clairement sa foi. Même si elle n’en fait pas une obsession. Moulée dans une piété acétique, Queen Etémé se méfie pourtant de la religion. « Les religieux sont intolérants, et c’est de leur intolérance que les guerres naissent », déclare-t-elle. La spiritualité de Queen Etémé en a fait une humaniste. Il n’y aucun combat pour les autres qu’elle n’embrasse. « J’ai de la peine à voir une mère qui n’a rien à offrir à son enfant dans la rue. Quand je peux offrir un peu de joie à mes semblables, je n’hésite pas ». La chanteuse partage tout ce qu’elle a. Son art, son argent, elle les met au service des autres. Ses origines (Queen Etémé est l’aînée d’une famille de six enfants) ne sont pas étrangères à cet altruisme.
La chanteuse a été la marraine de l’Empire des enfants, une association d’aide aux enfants défavorisés et orphelins du quartier Medina à Dakar au Sénégal. Dix ans durant, elle a été marraine, en même temps que l’ancien footballeur Lilian Thuram, de l’Organisation internationale de lutte contre la drépanocytose. En 2008, Queen Etémé a a présidé une soirée de gala du Lions club Orchidée de Douala. L’association avait choisi la chanteuse pour lever des fonds et financer la lutte contre l’autisme. « Je suis mère d’une enfant autiste, et je sais combien c’est difficile et coûteux d’en prendre soin », confesse-t-elle.
5. Impressions
 
Féminine et épanouie : Lazare Etoundi Ondoua, journaliste
Queen Etémé n’est pas une chanteuse banale. Elle a maîtrisé la technique du chant comme peu de ses semblables. Elle est du registre des cantatrices de lues ou de jazz américaines. Sa technique du chant est unique. Elle peut indistinctement passer d’un registre à un autre sans se forcer. Malheureusement, elle n’a pas encore la même notoriété dans son pays comme c’est le cas ailleurs. Elle est littéralement célébrée là où elle vit. Elle a refusé de s’assimiler. Elle a décidé d’exister avec les autres, sans perdre de son authenticité. Elle a su démontrer qu’on peut être féminine et épanouie, sans verser dans le vulgaire ambiant. On lui reproche de ne pas chanter assez dans sa langue originelle, l’éton. Mais ce n’est qu’un mauvais procès. Parce que, lorsqu’on l’écoute ailleurs, on ne veut pas savoir si elle chante en lingala, en swahili, en français ou en anglais. On est simplement émerveillé par ce timbre vocal unique. Et puis, elle a une dimension internationale qui en fait une propriété universelle. C’est une bonne boussole pour les jeunes.

Disponible et prfessionnelle : Sanzy Viany, filleule et chanteuse
Je partage ma filiation éton avec Queen Etémé, son art du chant. Notre rencontre a été un pur hasard du destin. Il ya quatre années de cela. Un soir de déveine, alors que j’attendais la session d’été à l’université où j’étais inscrite, je n’arrivais pas à trouver le sommeil dans ma chambre. J’avais allumé la télévision, mais je ne regardais pas vraiment. J’écoutais juste la musique diffusée sur LC2. Jusqu’au moment où une voix m’a réveillé de ma torpeur. Elle m’a littéralement transpercée. J’ai eu des frissons. Je me suis tournée vers mon poste de télévision. J’étais émerveillée par ma vision. Le look était aussi splendide que la voix. Je crois que c’est à cet instant que j’ai décidé de chanter, comme Queen Etémé. Mais je ne savais pas que je la rencontrerai un jour. Ce jour est aussi arrivé par la providence. Il y avait une soirée d’hommage à Anne-Marie Nzié au Musée national. J’étais venue pour voir la grand-mère. Perdue parmi la multitude, je déambulais dans les coulisses, espérant voir Anne-Marie quelque part. Subitement, je vois une dame, au look particulier, assise dans un coin. Je croise son regard et je suis foudroyée. J’en ai perdu la voix. Mais sur le coup, je n’ai pas reconnu Queen, bien que j’ai l’intime conviction de l’avoir vue quelque part. Après un douten je me suis rappelée du clip à la télé. J’ai pris mon courage à deux mains. Je me suis risquée à me présenter. C’était à quitte ou double. Qui n’a rien, ne perd rien. Elle m’a parlé. Le reste a été une légende urbaine. Queen Etémé a demandé à assister à un enregistrement le lendemain même de notre rencontre impromptue. Elle a même chanté avec moi. Et elle m’a invité dans un de ses albums. Notre histoire ne s’est plus arrêtée. J’ai redécouvert une autre maman, disponible et professionnelle.
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